31 oct. 2009

Trencavèl totjorn viu !

Le 10 novembre 1209, mourut dans une geôle du château de Carcassonne, le vicomte Raymond-Roger Trencavel. Il était emprisonné depuis le 15 août, jour où il se soumit aux Croisés au terme de deux semaines de siège de la Cité : " Carcasso fo presa " (la Chanson de la Croisade). Au mépris des règles de la chevalerie, on le captura et Simon de Montfort fut désigné pour devenir le nouveau maître de ses terres.

À QUI PROFITE LE CRIME ?
Comment expliquer que le jeune vicomte passe à trépas en moins de trois mois ? La dysenterie, prétendit-on. Mais le Pape lui-même laissa entendre que le nouveau seigneur n’était pas blanc comme une colombe dans cette affaire.
Pour l’heure, Montfort rédige le communiqué officiel qu’il fait proclamer par les rues de la ville : " Peuple du Carcassès, nous avons la douleur de vous apprendre que cette nuit, suite à une maladie foudroyante et imprévue, le prisonnier Raymond-Roger Trencavel est mort dans une tour du château dont il était le seigneur avant de se rendre au juste et à la raison de la Croisade pour le salut de vos âmes. Le comte Montfort salue le preux qui nous laisse eta joute que pour rien au monde il ne désirait la mort du vicomte. Recommandez son âme à Dieu ! "

Le troubadour Guilhèm Augièr réplique : " Ils l’ont tué et jamais homme ne vit tant grand outrage, ni même si grand forfait, ni si grande barbarie contre Dieu et Notre Seigneur, comme viennent de le faire ces chiens de renégats qui l’ont tué, ces traîtres de la race de Pilate. Le vicomte Trencavel, les Croisés et Simon de Montfort l’ont fait mourir. Une fois livré, c’est avec grand tort qu’il subit le martyre. Sa mort affaiblit du tiers ou de la moitié Paratge…"
L’enterrement à peine terminé, Montfort court à Montpellier rencontrer Agnès, la veuve du vicomte, pour récupérer à son profit tous les droits que détenait le jeune siegneur.
Son fils Raymond II tentera plusieurs fois de reprendre son fief mas en définitive en 1247 il l’abandonnera définitivement au roi de France Louis IX (pas encore " saint ").

ENTRE LÉGENDE ET OUBLI
Héros malheureux et symbole de la civilisation du Paratge, Raymond-Roger entre simultanément dans la légende et dans l’oubli. Les textes des poètes occitans du 19ème siècle célèbreront ses faits et gestes. L’école félibréenne de Béziers prendra son nom.
Mais si vous montez à la Cité, sa présence est diffuse. La légendaire dame Carcas est la reine des lieux et a le droit de recevoir les millions de touristes avec sa statue neuve au-dessus de la plaque du patrimoine mondial de l’UNESCO. Pas de carte postale pour Trencavel ! Une rue plus petite que celle de saint-Louis, une impasse pour son épouse, rien pour son fils. Bon, c’est mieux qu’à Narbonne qui n’a aucune voie à son nom (pour cacher son ralliement rapide aux Croisés après le massacre de Béziers ?).

LES OISEAUX DU PRINTEMPS DE RETOUR
Tout au long du 12ème siècle, les Trencavel ont joué des rivalités entre leurs deux suzerains : les comtes de Toulouse et ceux de Barcelone (devenus roi d’Aragon). Le ralliement " diplomatique " de Raymond VI de Toulouse à la Croisade désigna Raymond-Roger comme l’ennemi public n° 1. Son peuple le paya immédiatement par le massacre de Béziers et la prise de Carcassonne.
Mais les défaites n’ont qu’un temps ! Si Pèire d’Aragon vint juste à l’été 1209 essayer de négocier la paix et non porter une vraie assistance comme le demandait son devoir de suzerain, les renforts sont enfin arrivés ce samedi 24 octobre 2009. Comme l’annonçait Claude Marti en en 1968 : " Ciutat de Carcassona, Ciutat del comte Trencavèl, tornaràn tos aucèls que cantaràn coma lo vent, que cantaràn dins la lenga del cèrç. " (Cité du comte Trencavel, reviendront tes oiseaux qui chanteront dans la langue du vent ")
Rendre hommage à Trencavel, ce n’est pas s’enfermer dans une revanche d’un autre époque, mais affirmer haut et fort que le déroulement de la Croisade renvoie à une question de tous les temps et de tous les lieux : la recherche obstinée de la liberté contre les pouvoirs absolus. À chacun de choisir son camp !
Alan Roch, président des Compagnons de Paratge

HOMMAGE DU 10 NOVEMBRE

À l'initiative des Compagnons de Paratge et de l'Institut d'Estudis Occitans-Aude, avec le soutien de la Calandreta de Ciutat, du Cercle Occitan del país de Carcassona, du CIRDOC, du Grop Òc, de la Mesnie du Carcassès et de PEP-Classes du Patrimoine, nous vous donnons rendez-vous le mardi 10 novembre 2009
* l’après-midi : ateliers pour les scolaires animés par Miquèla Stenta (Les troubadours), Alan Roch (Trencavel) et Christian Salès (Musique médiévale) pour trois classes (Calandreta ; école Berthelot ; école des Troubadours)

* à 18 h 30 : L’OMENATGE
Salle des Classes patrimoine, rue Raymond-Roger Trencavel à la Cité de Carcassonne (entrée libre)
- La Cançon de la Crosada : Lecture des extraits de la Cançon consacrés au massacre de Béziers et à la prise de Carcassonne par Miquèla Stenta (occitan médiéval), Brunò Peiràs (français), Alan Roch (occitan contemporain) et J-Claude Rousse (accompagnement musical)
- La mort de Trencavel : Les hypothèses sur la mort du vicomte, par Jean-Louis Gasc
- Chants, par Christian et Jo Salès, du groupe Òc
- Apéritif médiéval